L’indemnisation des victimes d’attentat et de leurs proches

Les attentats terroristes de Novembre 2015, de Nice à deux reprises, ou récemment l’assassinat de Samuel Paty, ont profondément marqué les esprits, sans oublier de bouleverser l’existence des victimes directes, comme de leur entourage.

Face aux décès et aux blessures d’une guerre qui ne dit pas son nom, le paysage judiciaire a été contraint de s’adapter, de reconnaitre et d’indemniser de nouveaux préjudices.

Malgré une avancée notable, le parcours indemnitaire des victimes directes comme de leurs proches n’est évidemment pas simple, justifiant qu’elles soient guidées et conseillées à chaque étape, amiable ou judiciaire.

Qui indemnise les victimes ?

Le Fonds de Garantie des actes de Terrorisme de d’autres Infractions (F.G.T.I) indemnise les victimes d’attentats, ou d’actes de terrorisme, commis en France comme à l’étranger.

Quels sont les bénéficiaires de l’indemnisation ?

En France : toute victime recensée par le Procureur de la République peut saisir le F.G.T.I. en indemnisation de ses préjudices. De la même manière, toute personne s’estimant victime d’un acte de terrorisme peut, jusqu’à dix ans après la consolidation de ses blessures (état traumatique stable) saisir le Fonds de Garantie.

À l’étranger : Les victimes directes et indirectes (ayants-droits) de nationalité française peuvent seules prétendre à l’indemnisation de leurs préjudices. La procédure d’indemnisation par le F.G.T.I est identique.

Deux catégories de victimes se distinguent :

  • Les victimes directes : victimes survivantes et/ou décédées, présentant des blessures corporelles ou psychologiques en lien avec l’attaque, quelle qu’en soit la forme ;
  • Les victimes indirectes (ou ayants droits) : proches de la victime directe (grands-parents, parents, époux, enfants, frères, notamment). Sous certaines conditions, cette qualité englobe les proches unis à la victimes directe par un lien affectif très fort.

Quels délais pour agir ?

Les victimes directes et ayants-droits doivent agir dans un délai de dix ans à compter de l’acte terroriste. Au-delà, leur action n’est plus recevable (prescription) sauf décision du F.G.T.I à les « relever » de leur « forclusion » et à admettre leur demande.

Dans l’hypothèse d’un procès pénal, toute victime peut solliciter du F.G.T.I une indemnisation dans le délai d’un an à compter de la décision rendue.

Quelles pièces produire au F.G.T.I ?

En sus du recensement par le Procureur de la République et de la transmission au F.G.T.I des procès-verbaux d’enquête, les victimes doivent produire certains éléments complémentaires :

  • Preuve de la présence sur les lieux de l’attentat : date, lieux, clichés photographiques et vidéos, textos, mails, attestations de témoin, notamment ;
  • Etat civil : carte nationale d’identité ou passeport (livret de famille pour les ayants-droits);
  • Dossier médical : PV de transport par pompiers ou urgences, certificat initial descriptif, comptes-rendus radios-scanner-IRM, comptes-rendus opératoires et d’hospitalisation (équivalent) prescriptions médicales, bilans de rééducation notamment ;
  • Frais et dépenses médicales engagés en conséquence de l’attentat : frais médicaux et paramédicaux non pris en charge, ou partiellement, par la CPAM et la mutuelle ;
  • Frais et dépenses non médicales : factures, tickets, relevés bancaires. Les pertes de gains des ayants droits, ou d’exploitation, doivent également être justifiées

Quelles sont les préjudices indemnisables ?

Les victimes directes et indirectes d’attentats sont indemnisées de leurs préjudices par le F.G.T.I au moyen d’une nomenclature dite « Dintilhac » qui recense principalement deux types de postes de préjudices.

Les postes de préjudice extrapatrimoniaux (personnels)

  • Les préjudices personnels temporaires : déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire ;
  •  Les préjudices personnels permanents : déficit fonctionnel permanent, préjudice d’agrément, préjudice esthétique permanent, préjudice sexuel, préjudice d’établissement ou permanent exceptionnel.

    Les postes de préjudice patrimoniaux

    • Les préjudices patrimoniaux temporaires : dépenses de santé actuelles, frais divers, perte de gains professionnels actuels ;
    • Les préjudices patrimoniaux permanents : dépenses de santé futures, frais de logement ou de véhicule adapté, assistance per tierce personne permanente, pertes de gains professionnels futurs, incidence professionnelle, notamment.

    Existe-t-il des préjudices particuliers aux victimes d’attentats ?

    Le caractère violent et atypique du terrorisme a permis la reconnaissance de préjudices spécifiques, notamment :

    • Le préjudice spécifique d’angoisse des victimes directes : de nature autonome et exceptionnelle, ce poste indemnise la souffrance supplémentaire distincte, résultant de la conscience d’une mort imminente pour les victimes décédées, ou l’angoisse pour leur existence vécue par les survivants ;
    • Le Préjudice Exceptionnel Spécifique des Victimes d’actes de Terrorisme » (PESVT) : également autonome et complémentaire, il est accordé en raison de la spécificité des troubles résultant de l’acte terroriste (syndrome post-traumatique notamment). Son indemnisation forfaitaire par le Fonds est cependant très critiquable.

    Et pour les proches ?

    En complément des préjudices classiques (préjudice d’affection en cas de survie ou de décès de la victime principale) les ayants-droits peuvent prétendre à l’indemnisation de certains préjudices, notamment :

    • Le préjudice d’accompagnement : souffrances morales des proches liées à l’accompagnement de la victime directe jusqu’à son décès ;
    • Le préjudice de souffrances endurées : souffrances endurées par la victime directe jusqu’à son décès et transmissibles aux ayants-droits (dette de valeur) ;
    • Le préjudice d’angoisse de mort imminente de la victime directe : ce préjudice est transmissible aux ayants-droits en cas de décès de la victime directe ;
    • Le préjudice spécifique d’attente et d’inquiétude des proches : indemnisation des victimes indirectes de leur souffrance à craindre le pire pour leurs proches, et à ignorer ce qu’il est advenu d’eux pendant un certain temps ;
    • Le Préjudice Exceptionnel Spécifique des Victimes d’actes de Terrorisme » (PESVT) : ce préjudice est transmissible aux ayants-droits en cas de décès de la victime directe ;
    • Le préjudice patrimonial : frais divers et/ou d’obsèques, perte de revenus pour le couple et les enfants tirée du décès de la victime directe, et compensée par capitalisation.

    Quelles sont les provisions et indemnisations versées ?

    Dans le mois de la demande qui lui en est faite, le FGTI se doit de verser aux victimes directes et indirectes une première provision.

    Celle-ci tient compte des dépenses de santé exposées, des frais divers, des pertes de gains. Une estimation des atteintes corporelles permanentes peut permettre une majoration de cette provision.

    Dans les trois mois du jour où le Fonds reçoit la justification des préjudices, l’offre définitive d’indemnisation doit être effectuée, généralement sur la base du rapport d’expertise médico-légale organisée entre les médecins-conseils du FGTI et de la victime, puis du « mémoire en liquidation des postes de préjudices » rédigé par le Cabinet.

    Quels sont mes recours en cas de désaccord avec l’offre d’indemnisation du F.G.T.I ?

    Dans cette hypothèse, et après avoir notifié le refus de la victime dans les quinze jours de la proposition, le Cabinet initie une procédure devant le Tribunal judiciaire, la C.I.V.I (Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions) n’étant pas compétente en matière de terrorisme.

    Cette procédure donne lieu à une instance dite « en référé-expertise » et/ou « au fond » en « liquidation des postes de préjudices ». La décision rendue s’impose au F.G.T.I, qui peut en interjeter appel.

    Qui d’autre peut m’indemniser de mes préjudices corporels ?

    En complément des dispositions légales, la souscription d’une « garantie accident de la vie » peut permettre l’indemnisation de certains postes de préjudices, selon la nature et l’étendue des dispositions contractuelles.

    Ai-je droit à des allocations ?

    La gravité de certaines blessures et du taux d’incapacité en résultant, peut donner lieu à l’octroi :

    • de l’allocation adulte handicapée (AAH) ;
    • de la prestation de compensation du handicap (PCH) ;
    • d’un complément de ressources en l’absence de revenus liée à l’incapacité de travailler ;
    • d’une majoration pour la vie autonome.

    Les Caisses d’allocations familiales peuvent également accorder un soutien sous la forme de prestations, notamment d’une allocation de soutien familial pour un enfant privé de l’un de ses parents, d’un accompagnement par un travailleur social, et le cas échéant d’une aide financière ponctuelle.

    Et le statut de victime civile de guerre ?

    Les victimes directes du terrorisme d’un acte de terrorisme bénéficient du statut de “victimes de guerre civile” avec octroi d’avantages complémentaires : rente militaire d’invalidité, pension veuvage, prises en charge complète des soins, reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, emplois réservés, hospitalisation militaire, titre de pupille de la nation pour les orphelins de moins de 21 ans, avantages fiscaux, notamment.

    Les demandes indemnitaires doivent être adressées à la Direction Interdépartementale des Anciens Combattants du lieu du demandeur.

    À retenir

    Les dispositions indemnitaires liées aux actes de terrorisme n’intègrent pas les dommages aux biens matériels, voire la perte d’exploitation, seuls couverts par un contrat d’assurance.

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